L’avènement du monde moderne a signifié depuis la fin du XVIIIe siècle un recul du religieux dans les sociétés européennes. Si les Juifs vont s’assimiler progressivement à la société allemande environnante, certains n’en ressentiront pas moins, à l’instar de leurs concictoyens chrétiens, un vide religieux croissant. A la fin de la Première Guerre mondiale, les horreurs de la guerre – à quoi s’ajoute la défaite – ayant achevé d’ébranler la confiance de nombreux intellectuels allemands dans le progrès, les manifestations de « critique de la civilisation » (« Kulturkritik ») abondent dans l’univers culturel. On observe alors chez les intellectuels juifs une remobilisation de références religieuses dans le but de critiquer l’idéologie du monde qui a produit la guerre. Au sein de la « Renaissance juive » dans l’Allemagne de Weimar, les œuvres de Martin Buber et Franz Rosenzweig se distinguent par la place centrale qu’y occupe la dimension théologique. Cette thèse commence par présenter la critique de l’Occident que les deux auteurs développent du point de vue d’un judaïsme « religieux » qu’ils redécouvrent. Sont ensuite étudiées les relations entre le messianisme juif et la pensée politique chez ces auteurs ainsi que chez quelques philosophes juifs contemporains significatifs. Puis, l’analyse se concentre sur le rapport complexe entre philosophie et religion chez les deux penseurs. Enfin, c’est le renouveau de « marcionisme » (courant de la théologie chrétienne contestant toute validité à l’Ancien Testament) dans la philosophie et la théologie de l’entre-deux-guerres qui est étudié, ainsi que la façon dont Martin Buber et Franz Rosenzweig ont entendu le combattre. ; Since the beginning of the modern era, at the end of the 18th century, a decline of religion has been observed in european societies. Whereas the Jews gradually assimilated to the german society in which they lived, some of them felt, like their christian fellow citizens, a religious vacuum. At the end of the First World War, since the horrors of the war – and the military defeat – had undermined the confidence of many german intellectuals in progress, the expressions of cultural criticism (“Kulturkritik”) are quite a few in the cultural world. Among jewish intellectuals, a new use of religious references is made in order to criticize the world which made the war possible. Within the “jewish Renaissance” in Weimar Germany, the works of Martin Buber and Franz Rosenzweig are distinguished by their focus on theological issues. This doctoral thesis first presents the criticism of the western world which both authors develop out the point of view of a recently rediscovered “religious” judaism. It then studies the relations between jewish messianism and political thought in the works of these authors and other important jewish philosophers of the same period. The intricate relationship between philosophy and religion in both authors’ works is thereupon analysed. Eventually, the dissertation deals with the renewal of “marcionism” (a trend in christian theology denying the validity of the Old Testament) in philosophy and theology during the inter-war period, and the manner in which Martin Buber and Franz Rosenzweig tried to fight against it.
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