La mémoire de la fuite et expulsion de plus de douze millions d’Allemands entre 1945 et 1950 connaît, depuis l’unification allemande, une nouvelle actualité : documentaires dans les médias depuis 2001, expositions nationales en 2005-2006 et surtout des débats qui semblent ne pas vouloir finir. Si ces débats sont souvent interprétés comme le signe du passage de cette mémoire du domaine communicatif au domaine culturel (Assmann), c’est-à-dire comme le signe de "négociations" attendues dès lors qu’il s’agit de la pérennisation et de l’institutionnalisation d’une mémoire de groupe au sein de la mémoire collective nationale, cette étude a précisément pour objectif d’interroger le fonctionnement de ce passage. Il s’agit de mettre à jour le (dis)cours, soit l’histoire, les formes discursives, les acteurs et les enjeux, politiques et identitaires, de cette recomposition mémorielle entre 1989 et 2005. Après une présentation du complexe historique et mémoriel de la fuite et expulsion avant 1989, l’étude discursive qualitative explore, en deux volets, les récits de mémoire privés dans les familles d’expulsés et le débat public dans la presse supra-régionale allemande entre 1989 et 2005. Elle met en évidence le rôle des médias et l’importance du critère générationnel dans les sphères privée comme publique, mais aussi la complexité des interactions mémorielles entre ces deux sphères avant d’élaborer un schéma de l’évolution du lieu de mémoire "fuite et expulsion" dans les quinze premières années suivant l’unification allemande. ; Since the German reunification in 1990, the collective memory of the flight and expulsion of more than twelve millions Germans between 1945 and 1950 has become very topical again : several documentary films since 2001, two big exhibitions in 2005-2006 and above all long and controversial discussions have been largely commented in the press over the past twenty years. These debates are often interpreted as the sign of the evolution of this collective memory from a communicative to a cultural memory (Assmann), i.e. as a sign of the expected "negotiations" on its institutionalisation — not only in the group memory of the expelled people, but also in the German national memory. The aim of this research is thus to analyse precisely this evolution, i.e. the (dis)course of this difficult memory between 1989 and 2005, its history, forms and actors by paying attention to the implication of this memory discourse for German politics in Europe and for German national identity. After a presentation of the history and remembrance complex that was "flight and expulsion" before 1989, the study (a discourse analysis) explores, in two steps, the private memory stories in the families of German expellees and the public debate in the German national press between 1989 and 2005. The study points out the role of the media and the importance of the generational change both in the private and the public sphere, as well as the complicated interactions between the two levels. It then elaborates a scheme of how the memory of "flight and expulsion" evolved in the first fifteen years after the reunification.
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